Comment les Directeurs Marketing abordent-ils la révolution digitale ? Quels freins les directeurs marketing rencontrent-ils dans la mise en œuvre de cette révolution dans l’entreprise ? De quels modèles opérationnels peut-on s’inspirer afin de relever ce défi ? L’étude ACCENTURE-ADETEM menée auprès des Directeurs Marketing de grands groupes français, présentée sur le salon DIGITAL PARIS, apporte quelques réponses.
Etaient présents : Jean Marie CULPIN, Directeur Marketing Groupe Orange France Télécom, Daniel Schwarz, Directeur Offre et e-commerce des 3 Suisses Geoffray MAUGIN, VP Global Marketing SOFITEL. Débat animé par Cathy Leïtus, Grand Reporter, Stratégies
La méthodologie : étude qualitative menée auprès de 25 CMO français en 2011. Ont participé : Castorama, Auchan, Carrefour, EDF, GDF-Suez, Accor, PMU, Meetic,.. etc.
LES CONSTATS DE L’ETUDE
CONSTAT N°1 : toutes ces entreprises sont déjà multi-canal, la préoccupation des CMO concerne plutôt le cross-canal, c'est-à-dire comment rendre les parcours clients les plus fluides possibles malgré la complexité croissante des points de contact client-marque.
CONSTAT N°2 tous les directeurs marketing ont conscience des bénéfices d’une approche cross-canal :
- L’augmentation du CA : un client cross-canal est plus rentable et plus fidèle qu’un autre et le cross canal apporte de nouveaux types de clientèles.
- L’amélioration de l’expérience client, avec un parcours client fluide.
- La réduction des coûts, pour les entreprises très ancrées dans le physique
- Ou à l’inverse, une « réhumanisation », pour les pure players. C'est-à-dire la création de points de contact physiques avec le client, afin de faciliter son parcours.
CONSTAT N°3: le métier des CMO s’est fortement complexifié avec l’arrivée du Digital, et les points suivants en particulier sont plus difficiles à aborder :
- Les allocations budgétaires : les arbitrages sont plus délicats étant donné la multiplicité des canaux possibles
- La cohérence des messages est plus difficile à atteindre et à garantir
- La mesure et le suivi des performances sont plus difficiles à obtenir (le fameux ROI du digital)
CONSTAT N°4: malgré un fort investissement (ressources et financier) la performance du multicanal n’est pas toujours au rendez-vous…. Difficile à justifier face à l’actionnaire…
LES FREINS A LA MISE EN PLACE DU CROSS CANAL
1/ Le poids de la cultre de l’entreprise : les entreprises ont une tendance naturelle à protéger le « canal historique » par rapport aux nouveaux canaux. Par ex, la force de vente sera préférée au digital dans une entreprise de biens de consommation. Ou le centre d’appel dans les services.
La clé pour contourner/limiter ce frein : garder le cap sur le CLIENT, une stratégie doit être centrée vers le client et non vers les canaux.
2/ l’organisation : il est difficile de trouver l’organisation optimale pour intégrer le digital dans l’organisation et les processus. On peut créer une « direction du parcours client ou multicanal » mais ce n’est pas un facteur clé, en fait, il n’y a pas de recette. La seule bonne pratique dégagée par Accenture, c’est de procéder par étapes et de s’assurer du soutien fort de la direction générale.
3/ les ressources humaines non adaptées.
Soit on parle de la réticence des hommes et des femmes à renvoyer les clients vers un autre canal par ex, soit il s’agit de manques de compétences vis-à-vis des outils du digital.
- Pour les problèmes de compétences, on peut bien sûr recruter, mais il faut de toute façon former tous les collaborateurs, de façon à instaurer une culture du cross-canal, et une culture digitale.
- De façon générale, ce qui fonctionne c’est de sensibiliser les équipes de façon à ce que chacun ait conscience des bénéfices du cross canal pour le client mais aussi pour l’entreprise.
4/ Les outils non adaptés . Les outils de gestion de la cross-canalité sont souvent (d’après les CMO, je le rappelle), choisis par les DSI et n’offrent pas de vision assez globale, assez 360° de l’ensemble du parcours client. Il y a aussi l’éternel problème du timing : le temps qu’une organisation complexe mette en route un outil, il est quasiment obsolète…. Accenture propose d’avoir des outils intégrés au maximum avec un référentiel unique pour toute l’entreprise, et évolutif. Je suppose qu’ils ont une solution à proposer ;-)
5/ Les processus non adaptés : Très souvent les processus ont été créés par canal, et adaptés à chaque canal. Il faut souvent les revoir selon l’angle de vue du client.
Du travail en perspective donc, non seulement pour les Directions marketing, mais pour l’entreprise dans son ensemble, et notamment pour les DRH et les Directions Qualité Client.
LA TABLE RONDE
Concrètement comment se passe la révolution digital dans votre société ?
Daniel SCHWARZ, Directeur Offre et e-commerce des 3 Suisses : « tout bouge sans cesse : les clients, la technologie, les concurrents… Les frontières aussi. Certains concurrents américains commencent à livrer en Europe à des coûts bas. Dans 2-3 ans, nous savons que plus rien ne sera comme aujourd’hui, mais nous ne pouvons qu’imaginer ce futur. Donc nous faisons des hypothèses, des paris sur quelques projets en espérant qu’un de ces choix soit juste. Par rapport au digital, nous choisissons des canaux ou outils auxquels on croit, et on y va à fond. Les autres on les laisse aux concurrents. Par exemple le f-commerce, Facebook, on n’ira pas »
Jean Marie CULPIN, Directeur Marketing Groupe Orange France Télécom. « Chez Orange, nous avons défini 10 processus de vente, parcours client, au niveau européen, et on déroule les processus et les outils autour de ces 10 parcours »
Geoffray MAUGIN, VP Global Marketing SOFITEL. “La cross-canalité est concrète notamment au travers de réunions “digital” qui ont lieu chaque semaine. Cela permet de se rendre compte des progrès et des problèmes à régler. Par exemple, de voir que le site ne propose que des photos en flash alors que 90% des clients utilisent des ipads. »
Quels sont les freins rencontrés et comment avez-vous fait pour les contourner ?
Geoffray MAUGIN (Sofitel) :
- Trouver des prestataires de qualité et s’y retrouver dans l’offre foisonnante de prestataires, qu’il s’agisse de technique ou de marketing digital.
- Changer la culture pour aller vers une culture entièrement web, pour que les « canaux » disparaissent. Cela passe par la formation de tous, à tous les niveaux. Le rôle de la Direction Marketing est alors de communiquer, former, sensibiliser sur les bénéfices du digital.
Daniel SCHWARZ (3 Suisses) : le frein c’est de ne pas oser. Les américains, qui ont mené cette révolution du digital n’ont pas peur d’essayer, de se tromper et de recommencer. Il faut développer cet esprit « start-up » et l’intégrer en mode collaboratif dans l’entreprise. Ce n’est pas facile et on peut se tromper, mais on doit prendre des risques.
Jean Marie CULPIN, Orange. Les systèmes d’information historiques, très différents, qui doivent se connecter et se parler, représente le frein principal. Les problématiques d’incentives ont été également un sujet fort, que l’on essaie de régler grâce au parcours client.
Un dernier conseil ?
Daniel SCHWARZ (3 Suisses) : face à un monde digital foisonnant, il faut structurer, il faut de la rigueur et une « loi » qui est dite par la direction générale, et que tout le monde suit. Et cultiver l’esprit start up.
Geoffray MAUGIN (Sofitel) : Pour être vraie, et être perçue comme telle par les clients, la marque doit être sûre de ses valeurs et certaine de sa mission. Ne pas oublier de définir et s’appuyer sur son adn de marque avant de se lancer.
Sur ces bonnes paroles, la suite …demain !
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